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Cet article a été publié dans HOME STUDIO en 1998.
Depuis, Gus Dudgeon s'est tué, avec son épouse, dans un accident de voiture. C'était le 21 juillet 2002, près de Reading (Angleterre). Il était âgé de 59 ans.
Pour lui rendre hommage, ses pairs dans le monde de l'audio anglais ont créé une fondation qui porte son nom : la Gus Dudgeon Foundation For Recording Arts -- cf. http://www.gusdudgeonfoundation.com/
Elle a été "lancée" officiellement le 30 juin 2004. C'est Chris Hook, un vieil ami de Gus (qui l'a produit alors qu'il était musicien du groupe Voyager, dans les années 70), qui en est l'Administrateur. C'est d'ailleurs grâce à Chris que j'avais pu interviewer Gus.
Dans l'enceinte du College of Arts and Design de Reading, un studio porte le nom de Gus Dudgeon, et sa console perso, une MCI, y est installée.
Depuis ses débuts comme assistant en 1961, Gus Dudgeon est devenu une légende des studios en Angleterre, à linstar dun Tony Visconti ou dun Ken Scott. Traversée par de multiples collaborations avec Elton John, sa carrière la aussi amené à travailler avec Joan Armatrading, Elkie Brooks, Jennifer Rush, XTC, Fairport Convention, The Beach Boys, et, bien sûr, David Bowie, mais aussi à gérer un studio commercial, à superviser le son dune série de concerts symphoniques et à fonder une association de producteurs/ingénieurs. Tout un programme ! Franck Ernould
Gus Dudgeon est connu comme producteur artistique, mais aussi en tant que membre fondateur de Re-Pro, lorganisation dingénieurs/producteurs anglo-saxons. Il sest retiré voici deux ans pour laisser la place aux jeunes, mais on le voit toujours fidèle au poste dans diverses réunions ou assemblées audio, APRS, AES et autres. Un parcours exemplaire pour cet Anglais qui nimaginait pas vraiment, au départ, faire carrière dans le son. Lorsquen 1961, il pousse pour la première fois, un peu par hasard, la porte dun studio denregistrement, il a 18 ans, mais a déjà tâté de pas mal de petits boulots, et il ne se sent pas trop attiré par ce monde dont il ne soupçonnait même pas lexistence. Cest en reconnaissant les panneaux acoustiques muraux présents en arrière-plan sur la photo de pochette dun album de Lonnie Donnigan, un artiste quil adorait, quil se rend compte que cet endroit est de ceux que fréquentent les vedettes ! Le directeur du studio linforme quaucun poste nest disponible pour linstant, mais le reçoit quand même, et Gus est amené à frimer quelque peu, affirmant que le fonctionnement des magnétophones na pas de secret pour lui. Heureusement que ses parents en possédaient un à la maison, ce qui était rare à lépoque. Bref, trois mois plus tard, le patron de ce studio le rappelle, et le voilà devenu tape op-tea boy...
Tape operator, c'est, littéralement, l'opérateur des bandes.
Il faut savoir quau début des années 60, la télécommande
est un concept inconnu. Lingénieur du son ne bouge pas de sa console,
et il revient à lassistant, assis à proximité du
magnétophone (qui est éloigné de l'ingénieur du son, pour ne pas le gêner à cause du bruit, de gérer pour lui les transports de bande (le concept dauto-locators n'est pas encore inventé),
en saidant des indications approximatives et changeantes de léventuel
compteur mécanique, et deffectuer les drop ins/drops outs [entrées/sorties d'enregistrement pour ne refaire qu'un mot, quelques notes...]. Là,
danger : lélectronique ne permet pas encore dentrer ou sortir
denregistrement sans laisser, si on ny prend garde, un cloc
retentissant sur la bande. Il faut donc, dun geste rapide du poignet,
éloigner momentanément la bande des têtes au moment précis
des drops... Tout un art !
Je suis resté dans ce studio pendant quelques années - puis je
suis passé aux studios Olympic, qui étaient déjà
très célèbres alors. Beaucoup de grands artistes américains
ou anglais y enregistraient, pour de grosses maisons de disques. Le succès
commercial du rock et de la pop music ont rendu un temps les affaires difficiles
: les groupes trouvaient que les ingénieurs maison dOlympic
étaient trop âgés pour comprendre ces nouvelles musiques,
et préféraient aller à Pye ou Decca. Jai été
quelque peu mis en disponibilité, jai donc décidé
de prendre le taureau par les cornes, et je suis parti travailler chez Decca,
dont les studios se trouvaient à cinq minutes à pied de chez moi...
Oui, mais au bout de trois mois, jai pu passer à la console,
en 1964 ! Lors dune séance avec les Zombies, lingénieur
du son était rentré de déjeuner complètement ivre,
au point que les musiciens lont mis eux-mêmes dans un taxi et lont
renvoyé chez lui ! Jai donc terminé à sa place Shes
not there, enregistré la face B de ce 45 tours en fin de journée...
Et la chanson a été un hit ! Du coup, jai enregistré
tous les disques suivants de ce groupe ! Jai ensuite travaillé
avec John Mayall, les Small Faces, les Bluesbreakers et même les Rolling
Stones, lors de leur audition pour Decca.
Vers 1968, je me suis aperçu que travailler à la console ne mamusait
plus beaucoup. Je nai aucune notion délectronique, je ne
sais pas comment une tranche ou un micro fonctionne, mais je sais reconnaître
un son de qualité dun son pourri, et, mieux encore, je sais comment
faire sonner ce que jenregistre. Cest tout ce quon
me demande ! Cest à cette époque que deux des plus grands
producteurs avec lesquels je travaillais, Andrew Lloyd-Weber et Denny Cordell
(A Whiter Shade Of Pale, Procol Harum), mont mis le pied à
létrier en me proposant de travailler au coup par coup pour leurs
sociétés de production respectives. Je suis vite devenu producteur
free-lance, un des premiers en Angleterre après Joe Meek, Glyn Johns,
Tony Visconti... et jai quitté Decca, pour qui je nai jamais
travaillé en tant que producteur.
Jai alors connu une période très fructueuse au studio Trident,
à Soho, où lambiance était parfaite : Robin Cable,
Ken Scott et moi, nous nous partagions les séances, les idées
jaillissaient, le studio était un lieu de passage incessant, latmosphère
propice aux rencontres, aux discussions avec les artistes... Jai ensuite
découvert le studio Marquee, qui était fantastique - un des premiers
huit pistes de Londres, dès 1968.
Oui, Space Oddity. Jai aussi produit des disques pour The
Strawbs, The Locomotives, le Bonzo Dog Doo-Dah Band, qui était plutôt
une co-production, puisque cétait Paul McCartney qui avait commencé
à travailler sur leur disque. Ce groupe détudiants faisait
une musique assez comique, parfois hystérique, on peut sen rendre
compte en les regardant dans le film Magical Mystery Tour. Ils avaient
leur propre émission de télé à lépoque,
Do not as just youre said - le public anglais ne les a pas
encore oubliés. Leur batteur, Larry Smith, est un de mes amis les plus
proches aujourdhui encore.
Jai aussi réalisé une version clean de Je
taime, moi non plus, indiffusable à la BBC pour cause de
respirations jugées obscènes. Je nai dailleurs rencontré
Gainsbourg quà la fin des années 70 : quel drôle de
personnage... Quand je lai vu, il était saoûl comme un cochon,
il portait un costume dau moins 1000 £, on aurait dit quil
avait dormi avec depuis deux semaines, tout froissé, plein de cendres
de cigarettes, de taches. Il mavait fait écouter sa Marseillaise
reggae, dont il était très fier...
Il avait beaucoup aimé Space Oddity, il ma donc demandé
de travailler avec lui ! Il était alors songwriter professionnel, et
les premiers singles sortis sous son nom chez Philips me semblaient très
bons au niveau composition, mais manquant defficacité commerciale
dans la réalisation, presque banals dans les arrangements,
les orchestrations. Jai pressenti quElton avait bien dautres
possibilités : appuyé par un ami arrangeur, Paul Buckmaster, avec
qui javais déjà travaillé sur Space Oddity,
jai réussi à obtenir carte blanche de sa maison dédition,
qui voulait au départ... George Martin comme producteur ! Je savais que
le style pianistique dElton se marierait harmonieusement avec les arrangements
presque classiques, pas du tout variété, de Buckmaster.
Après quelques semaines de travail avec Elton sur les démos de
ses nouvelles chansons, nous avons mis en boîte son premier album en une
semaine, au studio Trident. Le succès fut au rendez-vous... Puis nous
sommes allés, en 1971, enregistrer Honky Château au
château d'Hérouville, puis, en 72, Dont shoot me..
et, en 1973, Goodbye yellow brick road. Je navais encore jamais
quitté Londres pour travailler, et je me suis retrouvé dun
seul coup en pleine campagne française, dans cet endroit magique, à
latmosphère étonnante, pendant des périodes de 5
à 6 semaines... Je pourrais parler du Château pendant des heures
: jai gardé un grand souvenir de Michel Magne, le propriétaire,
qui était fou, mais extrêmement attachant.
On devait traverser le studio situé sous les combles, au deuxième
étage dune aile du château, pour accéder à
la cabine. Je me souviens que lors de mon premier passage au Château,
le groupe Zoo était en plein enregistrement. Je les avais donc entendus
jouer en direct, dans le studio. Lorsque jétais entré
dans la cabine, javais été extrêmement surpris dentendre
exactement le même son, les mêmes cymbales, la même grosse
caisse quen vrai. Un peu plus tard, quand Elton travaillait
seul, son piano et sa voix sonnaient de façon très naturelle,
très pure, je nai jamais retrouvé cette impression ailleurs.
De plus, ils avaient sur la fin, en 1973, une console MCI un peu customisée,
la même quau studio Marquee, à Londres - cest vous
dire si jétais dans mon élément !
Pour le premier album dElton, enregistré à Trident, javais pris lhabitude denfermer le batteur dans une cabine à part, ce qui me permettait de mettre le piano dElton au beau milieu du studio sans avoir aucun problème de séparation acoustique. À Hérouville, le studio possédait bien sûr des cabines disolation, mais le groupe voulait absolument rester le plus uni possible, les musiciens exigeaient dêtre les uns à côté des autres, de se voir, de sentendre. Pas moyen, dans ces conditions, dobtenir physiquement une séparation acoustique suffisante. Je me refusais par ailleurs à coller les micros dans les cordes, je trouve le son recueilli ainsi très mauvais. Jai donc eu lidée de construire une boîte coiffant le piano, traitée acoustiquement à lintérieur et me permettant déloigner les micros denviron cinquante centimètres des cordes sans pour autant capter trop de sons parasites provenant des musiciens installés dans le même local. Le menuisier du Château me lavait construite immédiatement, sur mesure, et le résultat obtenu était très bon. Jai dailleurs repris ce système lorsque nous sommes allés à Caribou, enregistrer avec Elton après 1974.
Jy ai enregistré le début dun album de Joan Armatrading, vers 1975, et accompagné Bernie Taupin, qui y a produit un album des Allman Brothers, resté méconnu.
Douze ou quatorze albums, je ne sais plus ! Il est vrai quà cette époque, il nétait pas rare de le voir sortir deux albums la même année, voire plus, comme, en 71, Madman accross the water, le live 17/11/70, et la BO Friends... Cétait vraiment beaucoup de travail, mais jétais très heureux de passer tout ce temps avec lui en studio : cest vraiment un immense artiste, et grâce à cette prolificité, je nétais pas obligé de me coltiner des séances alimentaires : je produisais vraiment qui je voulais, je choisissais ce que je voulais faire entre les séances dElton, sans avoir la pression du hit obligatoire (NDR : rappelons que les producteurs sont généralement payés via les royalties de ce quils produisent ; si le disque est un flop, ils ne perçoivent pas grand-chose à part lavance consentie au départ par la maison de disques, doù une pression au succès parfois préjudiciable).
En 1976, oui, après quoi je suis parti. Elton est venu enregistrer, en 1978, A Single Man dans mon studio, The Mill, avec Clive Franks comme producteur. Curieuse situation, dailleurs, que de le voir travailler chez moi, avec un autre. Jallais le voir de temps en temps, et je me souviens quun jour, il avait composé un instrumental, en hommage à un coursier de Rocket Records mort la veille dans un accident de la route. Il ne savait pas trop quoi en faire : il a même failli ne pas le mettre sur lalbum ! Après lavoir écouté, je lui ai dit Tu es fou, cest un hit ! - Mais il ny a même pas de paroles - Ça ne fait rien, il est parfait ce morceau, ne change rien, je te dis que cest un hit !. Finalement, il ma fait confiance. Cétait Song for Guy...
Elton avait eu plus de dix hits à la suite, javais donc gagné
pas mal dargent, et on mavait conseillé, pour échapper
aux impôts, de me lancer dans des investissements... Javais donc
acheté en 1974 cet ancien moulin dans la campagne (doù le
nom du studio), situé à Cookham, dans le Berkshire, au Sud de
Londres, et javais mis deux ans à en refaire entièrement
lintérieur, en léquipant de tout ce dont je rêvais,
notamment une console 42 voies MCI JH-500, ma préférée,
que javais fait modifier, avec deux bandes dégaliseur médium
au lieu dune, entre autres, ou des mini-faders sous les faders principaux,
qui pouvaient devenir des départs effets... Javais discuté
avec Phil Dunne, lingénieur du son avec qui je travaillais alors,
puis transmis tous nos desiderata aux électroniciens de MCI, dirigés
par Tom Hayes. Ce nétait pas une mince affaire : ils avaient dû
changer du jour au lendemain la découpe des panneaux des tranches, mais
les modifications demandées leur ont semblé tellement sensées
quils les ont incorporées à tous les modèles ultérieurs
de la série JH-500 ! Nous avons quand même eu lhonneur dune
couleur et dun châssis exclusifs, avec un patch plus important,
de la place pour des périphériques...
Jai produit à The Mill nombre dalbums à partir de
1976 : le premier fut Solution, un groupe hollandais, puis ensuite Shooting
Stars, un groupe du Texas, un peu dans le style des Eagles, mais en heavy rock,
Gilbert OSullivan, Kiki Dee, Audience...
Soit par leur maison de disques, soit par leur maison dédition, comme dans le cas de Joan Armatrading auparavant. Jai oublié dans ma liste Michael Chapman (Fully qualified to vibe a atteint le Top Ten), Colin Blumstone, sur le label Rocket Records dElton, les deux premiers disques de Chris Rea, Nigel Olsson, le groupe Voyager où mon actuel manager, Chris Hook, tenait la basse, David Fox, Lynn Dilson, lalbum dElton Ice on Fire... pas mal de projets, à raison de cinq ou six par an ! Mais mon comptable ma causé beaucoup de soucis : pas quà moi, dailleurs, puisquil est actuellement en prison pour avoir détourné 6 millions de £ des comptes bancaires de Sting. Cest par sa faute que jai perdu The Mill à la fin des années 80 : comptabilités inexactes, détournements de fonds, dissimulations diverses, bref les impôts me sont tombés dessus, nont rien voulu savoir, et je me suis retrouvé dépossédé de mon studio... Ironie du sort, The Mill a été finalement racheté par Chris Rea, en 1995, qui sen sert désormais comme studio personnel (rebaptisé Sol Studios) !
Pas du tout. Cest lui qui ma rappelé sept ans ans plus tard,
en 1985, pour me demander de retravailler ensemble. Il en est résulté
Leather Jackets, qui nest pas vraiment mon album préféré.
Est-ce parce que jai dû le réaliser sur une SSL, console
que je nai jamais aimée ? Cest là une opinion tout
à fait personnelle, je sais que beaucoup lencensent, mais elle
ne plaît pas à mes oreilles, son utilisation ne correspond pas
à mon tempérament... nous ne sommes pas faits lun pour lautre,
cest tout !
Nous avons ensuite enchaîné sur Ice on Fire, encore
à The Mill, puis le Live in Australia, fin 86, qui a représenté
pour moi un travail énorme et inhabituel... Elton donnait une sorte de
best of, avec grand orchestre sur scène, pendant six soirs de suite,
à Sydney, en extérieurs. Nous avons tout enregistré, mais
sur le disque ne figurent que des chansons du dernier soir, sans aucun montage
!
Laffaire était très difficile. Le groupe dElton avait une section rythmique particulièrement pétulante, deux percussionnistes, trois choristes, une section de cuivres... Jai dû me remettre à la console : Clive Franks, lingénieur du son façade, mavait appelé au secours un beau jour, avant cette tournée australienne. Je ne sais vraiment pas quoi faire ! - Quel est ton problème ? - Cest cette tournée avec Elton, il veut jouer sur scène avec un orchestre symphonique de 88 musiciens, ça ne sest jamais fait ! - Et combien tu as déjà de voies occupées par son groupe habituel ? - 58 !. Avec tous les instruments MIDI dElton, du second claviers, des effets partout, des harmoniseurs sur les churs et sur les cuivres, les deux percussionnistes avec leur set au grand complet, on arrivait déjà à ce chiffre insensé, et il fallait encore caser tout un orchestre ! Nous avons alors réfléchi ensemble au problème, et nous sommes arrivés à la conclusion que la seule solution viable était de prémixer, à part, dans un mobile à part, lorchestre symphonique, en stéréo, et de lenvoyer sur la console avec les 58 autres modulations. Et voilà comment je me suis retrouvé, sans vraiment le vouloir, embringué dans cette tournée australienne, dans un camion muni de 7 consoles de prémixage, avec en point dorgue le concert final retransmis via satellite dans le monde entier par ABC...
Pas précisément, plusieurs dizaines en tous cas. Mais je me
suis vite retrouvé confronté à un autre problème
: comment dissimuler tous ces micros sur scène, puisquil fallait
prévoir la retransmission télé et les caméras sous
tous les angles ? Jai alors eu lidée de construire au-dessus
de lorchestre une sorte de plafond, soutenu par de fins piliers télescopiques
peints en sombre, plafond sur lequel je pouvais fixer mes micros tranquillement.
En fait, ce dispositif semblait faire partie du show ! Le but recherché
était atteint : aucun micro ou pied de micro apparent, vu des caméras...
et du public !
Il ma fallu ensuite rechercher tous les micros miniature disponibles,
électrostatiques, electret, toutes marques, tous modèles confondus,
que jai ensuite passés au banc dessai : scotchés
sur le plafond, en essayant diverses distances, sur divers instruments... En
prenant quelques précautions, jai été très
surpris par la qualité finale obtenue, sans égalisation ou presque.
Le premier essai en situation avec la batterie a dissipé mes dernières
craintes : lisolation acoustique restait correcte entre lorchestre
et le reste du groupe. Pour les cordes, les micros étaient au plafond
: pour les cuivres, je les avais fixés sur les chaises des musiciens
assis devant eux ! Tous ces essais ont représenté plusieurs jours
de travail.
Cétait assez frustrant... Les premiers soirs, après le concert, jentendais ceux qui y étaient dire Le son était vraiment fabuleux - mon prémix allait évidemment aussi bien à la sono de face que sur les bandes - mais je navais rien pu entendre moi-même ! Cest à la faveur de répétitions avec lorchestre, un après-midi, que jai pu me rendre compte du résultat final : on mavait remplacé à mes prémixes, et lorchestre a accepté de jouer dix minutes supplémentaires rien que pour moi.
Sur un des chansons, larrangement mettait particulièrement en valeur les violoncelles, qui se voyaient attribuer des parties très importantes, qui devaient sonner vraiment distinctement et fort. Pour les faire passer à travers le groupe, sans risquer le feedback, javais dû les corriger très méchamment, au point den avoir des scrupules... À la fin du concert, Elton était venu me voir, dans ma petite boîte, et mavait dit Mon Dieu, Gus, alors là, tes violoncelles, vraiment fantastique, jai failli ne pas men remettre !. Comme quoi mes scrupules étaient infondés...
Ah oui, alors ! Seul Elton est arrivé à me faire faire ça... Nimporte qui pourrait me le demander maintenant, je lui répondrais Non, merci, jai déjà donné !.
Bien sûr ! Jy ai produit deux chansons, interprétées
respectivement par Bruce Hornsby (Madman...) et les Beach Boys (Crocodile
Rock). À propos de ces derniers, une anecdote : en discutant avec
eux, je leur avais dit Vous savez, Elton ne chantera plus jamais cette
chanson - Pourquoi ? - Il se sent trop vieux pour chanter
une chanson aussi bêbête - Excellent, nous sommes imbattables
pour décrocher des hits avec des chansons bébêtes !...
Il me semble que cet album aurait pu être plus réussi : le problème,
lorsquil sagit de rassembler autant dartistes connus, est
de garder une homogénéité dans lassemblage final.
Cest très difficile, dautant quils ont tous tendance
à ne venir que pour enregistrer leur voix et à se désintéresser
du reste... Sans superviseur, on tombe vite dans la juxtaposition, la compilation
hétérogène, au lieu davoir une unité, un album
qui se tienne...
Non. Jai failli produire Julien Clerc, mais ça ne sest pas fait. Jai également visité les plus grands studios français actuels, mais sans jamais y travailler.
Je dirais Metropolis. Tous les studios sont différents, chacun étant assez typé. De plus, Metropolis possède une console très rare (lautre se trouve au studio Master Rock, aux USA), une Focusrite, qui est vraiment, avec MCI, ma console préférée, dautant quelle est équipée dune automation Massenburg, la meilleure au monde à mon avis.
Pas vraiment. Comme je vous lai dit, le matériel par lui-même
mintéresse peu. Je ne sais pas comment ça fonctionne, je
men fiche, cest de la mécanique, de lélectronique,
ça ne me concerne pas. Les débats incessants pour savoir quel
est le meilleur format pour ceci, la meilleure technologie pour cela, la forme
de la courbe de réponse, je men fiche !
Cela dit, je prévois de construire cette année un project studio
à côté de ma maison. Je choisirai moi-même mon équipement,
en accordant une importance toute particulière à la console. Je
nai jamais travaillé sur une Euphonix, je crois que je vais my
intéresser tout particulièrement... En ce qui concerne le multipiste,
jachèterai probablement un 24 pistes Otari Radar, qui sonne très
bien, et qui complètera fort bien un 32 pistes numérique. Au niveau
des écoutes, je pense choisir des Tannoy. Ce sera essentiellement un
studio doverdubs : basse, guitares, voix, percussions... mais je nhésiterai
pas, le cas échéant, à aller travailler dans les grands
studios lorsque le besoin sen fera sentir, ne serait-ce que pour enregistrer
une vraie batterie dans une acoustique généreuse...
Un album du groupe XTC, dont le chanteur, Andy Partridge, est à la fois adorable et haïssable... En mars 97, jai produit un album country pour un artiste danois, qui chantait avec un accent américain absolument impeccable... Surprenant ! Il a même été disque dor dans son pays. Actuellement, je travaille sur la pré-production dun album-hommage au Bonzo Dog Doo-Dah Band, le groupe burlesque que jévoquais au début de linterview. Larry Legs Smith, le batteur original, travaille avec moi, nous avons déjà enregistré quelques démos. Sur lune dentre elles, George Harrison joue du yukulélé (mini-guitare hawaïenne, NDR) ! Parmi les chanteurs ayant accepté de participer à ce Tribute to... : Ringo Starr lui-même, Elton bien sûr, un groupe nommé Sheffield..
Par goût personnel, je préfère les sons acoustiques, ce
sont ceux que jemploie le plus dans les disques que je produis. Lélectronique
constitue davantage une finition quune base pour les chansons sur lesquelles
je travaille. En revanche, si un projet exige un aspect électronique
poussé, jengagerai immédiatement le meilleur programmeur
pour travailler dessus ! Aujourdhui, il est incontestable que les musiciens
se sont spécialisés à outrance dans tel ou tel style, alors
que jai connu une époque où se spécialiser signifiait
se marginaliser et perdre des séances... Mieux valait être le plus
universel possible. Les ordinateurs ne mont jamais intéressé,
et dès que le MIDI est arrivé, jai fait appel à des
programmeurs, des musiciens connaissant parfaitement bien ce domaine. Ce que
jai à apporter est ailleurs...
Merci à Chris Hook pour son aide à lélaboration de
cette interview.
Une autre interview de Gus Dudgeon, en anglais :
www.sospubs.co.uk/sos/jul01/articles/gusdudgeon.asp
Cet article est paru dans HOME STUDIO en 1998.
Mis en ligne le 15/7/07
© 2007 Franck ERNOULD